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Dialogue — Demelza Lesage

Comment profiter aujourd’hui de la danse classique et du ballet ? La nouvelle génération de danseuses et danseurs éclaire la voie grâce aux nouveaux terrains du digital. C’est justement en ligne que nous avons découvert la danseuse d’origine mulhousienne Demelza Lesage. Sur ses réseaux, Demelza met en avant les nouvelles tendances du textile durable pour la pratique de la danse et soutien l’égalité et la tolérance en partageant le témoignage de la danseuse Chloé Gomes. Bien évidemment, il s’agit également de parler de l’activité de Demelza dans la compagnie croate du HNK Split Ballet, car la danse reste avant tout un art physique se pratiquant dans un environnement insaisissable à travers un écran. De sa formation à Londres en Angleterre à ses passions pour la yoga ou le cinéma, découvrez la danseuse Demelza Lesage.

Équipe Créative : Bonjour et merci d’avoir accepté notre invitation. Comment en êtes-vous venue à pratiquer la danse classique puis à faire de danseuse votre profession ?
Demelza Lesage : Comme beaucoup de jeunes filles, j’ai commencé très tôt. C’était une jeune fille au pair qui m’avait dit que j’avais des pieds faits pour la danse et que je devrais en faire. J’ai commencé pour m’amuser quand j’avais 3 ans puis j’ai continué à pratiquer jusqu’à mes 12 ou 13 ans, âge où mes professeurs m’ont dit que je devrais tenter des concours d’entrée en école de formation professionnelle. Je suis partie de chez moi à 13 ans pour intégrer une école à Toulouse.
à mes 16 ans, j’ai intégré l’English National Ballet School de Londres pour 3 ans. Mon cursus à Londres ne représente pas des études supérieures véritables. Pour cela, j’aurais dû le poursuivre pendant 18 mois afin d’obtenir l’équivalent d’une licence. Mais l’ENBS m’a beaucoup apportée. J’y ai appris l’histoire de la danse et la notation de la danse (car il y en a une, un peu semblable à des partitions de musique).
J’ai ensuite été à Barcelone pour une formation pendant quelques mois puis j’ai obtenu un contrat professionnel à Londres qui a été annulé à cause du Covid-19. Un peu avant cela, j’avais entrepris de passer une audition pour intégrer une compagnie basée à Split en Croatie — audition à laquelle je n’avais pas pu aller. Le directeur de la compagnie s’était souvenu de moi et m’a alors proposé de  les rejoindre. J’ai accepté et j’ai rejoint la compagnie au mois de septembre 2020.
E.C : C’est à Split que vous avez commencé en tant que professionnelle ?
D.L : Juste avant de travailler avec ma compagnie actuelle en Croatie, j’avais eu un contrat d’un mois en été 2020 avec le Ballet du Rhin à Mulhouse pour danser dans Chaplin, un ballet passionnant sur la vie de Charlie Chaplin. C’était mon premier contrat professionnel.
E.C : Au cours de votre parcours par quelles méthodes de danse classique avez-vous été initiée et avez-vous perfectionné votre pratique ?
D.L : J’ai eu le droit à plein de professeurs de plusieurs nationalités à Toulouse. Américains, belges, français, etc. J’ai appris au travers des techniques françaises et anglaises ainsi que par la méthode russe appelée Vaganova. Je n’ai pas appris par la méthode Cecchetti. Ce style d’origine italienne est notamment répandu en Angleterre mais je ne l’ai personnellement jamais utilisé. Globalement, mon apprentissage a été mixte car je n’ai pas eu de professeurs privilégiant une unique technique. J’ai également appris d’autres styles de danse comme le hip-hop, le modern-jazz, la danse contemporaine, les claquettes ou encore la danse de caractère, qui est essentielle dans certains grands ballets classiques (Le Lac des Cygnes, La Belle au Bois Dormant).
Aujourd’hui, il n’y a plus de compagnies qui proposent uniquement de la danse classique. Bien qu’il existe encore quelques grandes compagnies comme le Bolchoï qui proposent presque exclusivement du classique, les danseurs et danseuses apprennent plusieurs styles de danse dans leur formation et la polyvalence est recherchée. Se focaliser uniquement sur la danse classique peut-être un frein dans une carrière. Par exemple, le contemporain m’aide à parfaire ma danse classique et m’apporte plus de relâchement dans une danse très rigide.
E.C : Vous aviez commencé la danse en France puis vous êtes passée par l’Angleterre. Ce sont deux pays forts d’une grande tradition de la danse. Quel regard portez-vous sur le fait de pratiquer un art assez ancien, ancré dans la tradition et démodé pour certains ?
D.L : Je ne suis pas quelqu’un à fond pour les traditions. Dans l’enseignement notamment, la danse est encore très conservatrice et le danseur est souvent considéré comme étant là pour exécuter uniquement, sans avoir de voix propre. À l’English National Ballet, la parole était assez ouverte, ce qui m’avait plu.
Pour ce qui est des thèmes abordés par la discipline, les histoires portent souvent sur des princes et des princesses. Cela ne me parle pas vraiment. Pour autant, de nombreux ballets sont adaptés en histoires plus modernes et certaines adaptations sont plutôt réussies. Par exemple, Giselle a été adapté par Akram Khan (chorégraphe à l’English National Ballet et ancien danseur). Dans la version de Khan, Giselle fait partie d’une communauté d’ouvriers immigrés travaillant dans une usine (the Outcast). Dans la version originale, c’est le clash entre les paysans (dont fait partie Giselle) et la noblesse, alors que dans la version moderne, ce sont les ouvriers immigrés contre les propriétaires.
Il y a des œuvres comme celles de Marius Petitpa qui conservent dans leur version originale des séquences de danse alternées par des séquences de mime. Aujourd’hui, tout le monde ne comprend pas tous les codes derrière ces mimes et la chorégraphie peut de ce fait sembler très hachée. Je préfère quand le corps est au centre de l’interprétation d’un bout à l’autre de l’histoire, plutôt que d’avoir une alternance de danses et de tirades ou de mimes. J’apprécie ainsi davantage les ballets classiques créés plus récemment, comme Roméo et Juliette ou Manon Lescaut.
E.C : Le contexte actuel a pu entrainer un élargissement du public, comme par exemple les 120 000 spectateurs du gala numérique d’ouverture de l’Opéra de Paris. En lien avec les évolutions de cette année et des dernières décennies, recevez-vous des retours de spectateurs qui demandent à voir autre chose en danse classique et en ballet, ou bien ne veulent pas de changements ?
D.L : L’ouverture à un public plus large en ligne est super car venir voir une représentation à l’Opéra de Paris représente une somme certaine et on retrouve souvent les mêmes personnes dans les tribunes, ce qui est dommage. La danse contemporaine a plus de succès en ce moment et, comme elle reste très fermée, beaucoup de personnes accusent la mort de la danse classique. En conséquence, certains essayent de réadapter les grands ballets classiques car ils posent beaucoup de problèmes, notamment en terme de discrimination raciale. Il y a beaucoup de ballets dans lesquels les danseurs devaient se maquiller tout en noir, un peu à l’image de films hollywoodiens comme Autant en Emporte le Vent qui font aussi polémique en ce moment. Réadapter les ballets peut être vraiment intéressant, mais pour ce qui est de la question des prix je ne saurais pas comment y remédier (rires).
Progressivement, la danse classique évolue pourtant. Il y eu Béjart qui a notamment transporté la discipline dans des stades, dans des arènes, et a permis à un public plus large d’en profiter de manière physique. La situation actuelle reste souvent contraignante pour assister physiquement à des représentations mais c’est un contexte qui permet aux danseurs de créer des contenus alternatifs, en se filmant chez soi par exemple. Cela apporte de la créativité et de l’ouverture à un public encore plus large, notamment sur les réseaux sociaux.
E.C : Est-ce que le contexte transforme jusqu’à renouveler le rôle du danseur ?
D.L : Le contexte fait surtout beaucoup de bien pour la créativité et la capacité d’initiative des danseurs. Le danseur classique aime qu’on lui dise ce qu’il faut faire (rires). Tout doit être carré et exécuté sans défaut. C’est souvent une question d’esthétique plus que de ressenti. J’adore voir comment les danseurs se sont mis à créer de nouvelles choses et pas juste refaire ce qui existe déjà et qui a été créé par tel ou tel chorégraphe.
Pour ma part, je me suis filmée en dansant et j’ai réalisé un petit montage vidéo. La vidéo a eu un succès important sur Facebook, ce qui est plutôt rare avec ce réseau (rires). J’ai reçu de supers messages de gens qui me disaient « It made my day » (« Ça a refait ma journée »). Beaucoup de gens se sont mis à regarder davantage les arts, à les pratiquer aussi, et pour la danse classique notamment, cela a fait du bien. Cette dernière reste encore très limitée à cause de la situation sanitaire. L’un des problèmes qui se pose est qu’il faut un sol très particulier pour s’entraîner, un miroir, de l’espace. Sans studio, c’est presque impossible de s’entraîner correctement.
E.C : La danse prend beaucoup de temps. L’interruption vous a permis de vous tourner vers d’autres arts, de vous intéresser à d’autres choses ?
D.L : Quand je n’avais rien à faire pendant le confinement, j’ai réussi à rentrer dans une agence de mannequinat à Paris. Finalement, je n’ai pas eu de boulot par cette agence mais ça a été une super expérience de découvrir ce domaine qui ne me passionne pas vraiment d’ordinaire.
Quand j’étais en quarantaine en Croatie, j’ai commencé un cours en ligne sur la science du bonheur. J’aime beaucoup la psychologie et les sciences, j’étais donc ravie d’avoir un cours regroupant les deux approches. J’ai appris énormément mais je suis tellement intéressée par tout que j’ai profité de la période pour faire plein de choses, regarder des conférences en ligne, lire, me remettre au tricot, marcher dans la ville de Split… Tant de choses m’intéressent. Je ne me limite pas.
E.C : Parmi les œuvres que vous avez déjà eu l’occasion d’interpréter, y en a-t-il une qui vous a particulièrement marquée ?
D.L : Je n’ai pas encore eu l’occasion d’interpréter beaucoup professionnellement. Mais, dans le cadre d’une dissertation scolaire à l’English National Ballet, j’avais interprété Le Jeune Homme et la Mort écrit par Jean Cocteau et chorégraphié par Rolland Petit. Sans trop en révéler, c’est l’histoire d’un peintre qui voit une femme rentrer chez lui et qui ne sait pas si cette femme est réelle ou si c’est la Mort. J’avais adoré l’interprétation de Nicolas Le Riche dans le rôle du peintre. Ma dissertation portait sur comment on adapte une histoire, comment on raconte une histoire sur scène. J’avais choisi cette pièce très forte émotionnellement, très humaine, qui je pense pourra parler à tout le monde car elle n’est pas très technique. En effet, avec cette pièce, le challenge n’était pas la technique mais l’interprétation. Et j’ai adoré. À sa sortie, la pièce a été vivement critiquée pour ce côté inhabituellement théâtral.

Demelza s’exerçant avec ses partenaires du HNK Split Ballet.

E.C : Comment s’approprie-t-on un personnage de ballet ? Comment interprète-t-on sa chorégraphie et ses émotions ?
D.L : Parfois le personnage est secondaire, donc on apprend essentiellement les pas. Au début de sa carrière, on est impliqué dans des danses de groupe, on ne doit donc surtout pas trop « se faire remarquer » et faire unisson avec le reste du groupe de danseurs.
Quand j’ai interprété Le Jeune Homme et la Mort, je me suis pas mal documentée sur l’œuvre, sur l’auteur. Je regardais différentes interprétations existantes. Si le ballet part d’un livre, j’ai envie de lire le livre. Si l’histoire est tirée d’un film, j’ai envie de regarder le film. Enfin, j’ai toujours beaucoup été intéressée par le cinéma, ce qui relève de l’acting — j’ai un frère comédien et un frère réalisateur qui m’ont apportés une culture autour du cinéma. En général, les danseuses ne sont pas trop intéressées par la part d’expression faciale ni par l’interprétation. Mais pour moi, il faut plus que simplement la danse « brute ». Pour la représentation de Le Lac des Cygnes au HNK Split, j’avais justement le rôle d’un cygne qui se trouve dans un asile psychiatrique et doit, à un moment, avaler une pilule en comprimé. Je devais jouer, pas seulement mimer le passage entre des pleurs, des larmes, des rires. C’était vraiment intéressant comme expérience. Sur le moment, on ne sait plus qui on est (rires).
Des fois, il y a une histoire importante derrière un personnage. Des fois, pas du tout. Dans ces cas-là, il s’agit de trouver un moyen de garder le sourire, de s’approprier le personnage.
E.C : Y a-t-il un élément que la danse vous a appris et qui vous semble essentiel pour tout individu ? Dans le même registre, y a-t-il quelque chose que cette activité et son milieu n’apprennent pas, mais qui devrait pourtant être enseignée ?
D.L : La danse apporte beaucoup de bonnes choses, surtout la danse classique qui met l’accent sur la persévérance, le travail dur. Ce n’est pas juste le corps que l’on entraîne, c’est aussi le mental. Pour moi, ce qui manque dans la danse classique, c’est qu’on ne s’occupe pas assez de notre corps. On s’écoute peu et on a tellement envie de danser qu’on va souvent insister sur des blessures, mais c’est là qu’elles s’aggravent.
Il y a pourtant aussi des mauvais côtés dans la danse. On nous dit dès le plus jeune âge de travailler plus dur, ce qui peut pousser à toujours vouloir en faire plus, voire trop. Pour ma part, j’ai eu la chance de ne jamais rencontrer ça mais, dans certaines compagnies, on force certaines danseuses à se faire vomir pour maigrir. J’ai une amie qui l’a vécu au Bolchoï et je trouve ça fou que ça arrive encore aujourd’hui. La danse c’est vraiment une discipline. On doit surveiller la manière dans laquelle on dort ou avec laquelle on mange pour être à 100% durant les spectacles et les entraînements. Ça représente donc des sacrifices que je ne regrette pas d’avoir fait, mais je sais que ce n’est pas fait pour tout le monde.
Avec du recul et ce que j’ai eu l’occasion d’apprendre pendant le confinement, je pense qu’il faudrait intégrer plus d’accompagnement psychologique et mental. Bien respirer et avoir une bonne approche mentale du sport est important je pense. Je fais pour ma part des exercices de respiration grâce au yoga — sans être dans tout ce qui relève du spirituel, car ce côté-là m’emmerde (rires). Je le recommande vivement.
Il faut vraiment apprendre à se canaliser et à rester fidèle à une pratique intelligente. Quand j’étais petite, je pratiquais la danse en loisir et je ne me posais pas cinquante mille questions. Plus tard dans l’adolescence, j’ai eu l’attitude opposée : j’arrivais la première et repartait la dernière des entraînements au point que j’en faisais trop et que je faisais mal. Aujourd’hui, après mes lectures et mes nouvelles connaissances, je me dis que c’était logique et que j’aurais adoré qu’on m’apprenne plus tôt ces choses-là. Après ma carrière de danseuse classique, j’aimerais justement faire quelque chose dans ces domaines-là. Devenir prof de yoga ou aller vers quelque chose en psychologie me plairait, car je sais qu’avec mon expérience de sportive, de danseuse professionnelle qui est passée par tant de choses, je pourrais aider des danseurs et des sportifs.
E.C : Vous commencez tout juste à travailler avec une nouvelle compagnie de danse à Split en Croatie. Comment se déroulent vos débuts avec ce nouveau collectif ? Découvrez-vous en Croatie de nouvelles manières d’appréhender et de pratiquer votre activité ?
D.L : J’ai rejoint la compagnie à la mi-septembre. L’intégration a été très rapide. Les danseurs sont vraiment sympas et m’ont très bien accueillie. De plus, on a accès à un logement en résidence commune, ce qui est plutôt rare pour une compagnie. J’ai donc tout de suite été mêlée aux jeux qu’ils organisaient et à plein de petits événements. L’ambiance dans cette compagnie est géniale, ce qui est plutôt rare pour le coup.
E.C : Sur vos réseaux, on peut vous voir avec ce collectif de danseurs. Vous semblez très liés. Entre le film Black Swan et la convivialité dans votre compagnie, il y a finalement un monde.
D.L : Il y a des clichés et des réalités. J’aime beaucoup le film Black Swan même s’il n’a pas beaucoup aidé pour l‘image de la danse classique (rires). Des rivalités internes, beaucoup de tension et d’autodestruction sont des choses qui arrivent comme en gymnastique où d’autres milieux où la compétition est rude, mais c’est pas toujours le cas. La compétition, selon moi, doit avant tout être avec soi-même. Dans ma nouvelle compagnie, c’est vrai que j’ai été étonnée de voir à quel point l’ambiance est agréable.
E.C : Y a-t-il beaucoup de turnover dans les compagnies ?
D.L : Ça dépend. À Split, il y a des danseurs qui sont dans la compagnie pour toute la durée de leur carrière mais il y a aussi des danseurs qui restent moins de temps, qui veulent rejoindre d’autres compagnies et qui partent après un plus ou moins long passage dans la compagnie. C’est vraiment variable. Certains restent toute leur carrière avec un unique contrat, d’autres veulent tenter de nouvelles aventures. Pour ma part, j’aimerais travailler avec d’autres compagnies et ne pas rester toujours au même endroit.
E.C : Où souhaitez-vous aller après Split ? Découvrir une nouvelle culture de la danse aux États-Unis, par exemple ?
D.L : Les États-Unis, ce n’est vraiment pas mon truc. Premièrement car les compagnies ne dansent que six mois dans l’année, pour la plupart. Pendant les six mois restants, on n’est pas rémunérés. Le Canada m’intéresse assez. Autrement, surtout l’Europe. En Allemagne, en Angleterre ou en France avec le Ballet du Rhin. J’y prends encore des cours en été pendant les congés, et ce depuis mes 16 ans.
E.C : Y a-t-il beaucoup de nationalités représentées dans votre compagnie, en Croatie ?
D.L : Il y a notamment des danseurs japonais et coréens, australiens, espagnols ou américains. Des danseurs venant également de Moldavie et d’Albanie, deux nationalités que je n’avais pas encore rencontré. Pour le coup, le monde de la danse est très ouvert à toutes les cultures, très tolérant sur les différentes sexualités. Je pense que c’est dû au fait que l’on soit en contact physique permanent, et qu’on unis par notre amour de la danse. En général, la danse classique est en retard sur plein de choses, mais sur ce point je dirais que c’est vraiment ouvert et plutôt en avance.
E.C : Il y a cependant un retard dans la manière de sélectionner les jeunes danseurs ou d’accueillir certains danseurs de couleur de peau noire.
D.L : Ça dépend des écoles et de compagnies, encore une fois. Par exemple, une maîtresse du Staats Ballet de Berlin a divulgué récemment des propos racistes à l’égard de la française Chloé Lopes Gomes, première danseuse noire à rentrer dans la compagnie. En général, les maitres de ballet ont plutôt une grande autorité dans les compagnies.
E.C : Cela vous intéresserait-il de faire maîtresse de ballet après votre carrière de danseuse ?
D.L : Pas vraiment. À mes yeux, un maître de ballet est assez proche d’un professeur. Je préfère danser qu’expliquer comment danser (rires). Éventuellement le métier de chorégraphe m’intéresse vraiment, mais je ne me vois pas faire maître de ballet. Peut-être que je changerai d’avis par la suite, mais je ne vais pas nécessairement continuer dans le domaine de la danse. Actuellement, je ne suis pas quelqu’un qui me ferme à toute opportunité ou qui dirait que je ne suis rien sans la danse classique. Bien sûr, je voudrais toujours danser, mais c’est pas ce qui me définit. Il y a tellement d’autres choses qui m’intéressent que je ne serais pas perdue sans la danse.
J’essaie de penser à une chose à la fois. Je suis encore jeune (ndlr ; Demelza Lesage a 22 ans) et je veux continuer à danser. Mais comme beaucoup d’autres danseurs, en fin de carrière, je commencerai sûrement de nouvelles études pour me diriger vers un autre métier.
E.C : Vient maintenant notre rubrique libre. Que souhaiteriez-vous ajouter pour clore autant que pour ouvrir ce dialogue ?
D.L : « Support the Arts ! » (rires).
Mai 2021
Entretien retranscrit de l’oral
Crédit photographiques : Noel Shelley et Igor Glushkov