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Communauté de production artistique

Fondée en 2016 – Paris–Guebwiller

 

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Dialogue — Olga Kotova

L’année 2021 est propice au renouveau et à la reconstruction de nos visions sur l’art et la création. Les initiatives et projets dans le domaine de l’a mode se multiplient de toutes parts. Mais est-ce pour le bien de nous autres, consommateurs ? En voyant les créations de Olga Kotova et de sa marque Masha with Maria (aussi connue sous Masha Maria ou MwM), la réponse est oui. Basée à Amsterdam, ses designs colorés et raffinés apportent une touche de brillance dans nos garde-robes en respectant la planète à travers une production à taille humaine et l’utilisation de matériaux recyclés et réutilisables.

Équipe Créative : Bonjour et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous avez lancé votre marque de vêtements appelée Masha with Maria en 2017. Que veut dire Masha Maria pour vous ? Le nom a-t-il une signification particulière ?
Olga Kotova : Oh oui, certainement. J’ai appelé ma marque Masha Maria d’après ma grand-mère, Maria. En Russie, c’est un nom plus doux pour Masha. Elle représente tout pour moi. Sa gentillesse, son énergie positive sont inspirantes. Bien sûr, c’était aussi une femme très à la mode, pas tant par ce qu’elle portrait mais par le soin qu’elle y apportait et qui m’a inspirée à faire et partager ce que je fais aujourd’hui.
E.C : Vous êtes-vous toujours centrée sur la mode ? Quelle formation avez-vous suivie avant de lancer Masha Maria ?
O.K : Pas du tout. En fait, la première licence que j’ai faite était en Marketing et Communication, à la suite de laquelle j’ai travaillé en tant qu’agente comptable pour une grande agence de publicité. Par la suite, j’ai déménagé un peu plus près de l’endroit que je voulais et j’ai suivi des études en infographie et direction artistique en Italie. Aujourd’hui, je travaille comme infographiste, directrice artistique et productrice à Amsterdam. Il y a environ 4 ans, j’ai pris mes premiers cours de broderie puis j’ai suivi un cours de fabrication de modèles pendant 6 mois, à Amsterdam. En 2017, j’ai enfin lancé ma marque. Comme vous pouvez le voir, je suis quelqu’un d’assez hybride sur plusieurs métiers, ce qui me permet de diriger mon entreprise à moi seule.
Pour être honnête, quand j’avais 15 ans, je voulais pourtant entrer en école de mode mais je n’avais pas les ressources financières nécessaires pour le faire, ce qui me satisfait. J’apprécie que la façon de créer s’inspire du monde qui nous entoure, et que les vêtements que je dessine sont faits pour être portés dans la vie de tous les jours.

Le chic et classique manteau « Emma ».

Veste de pluie créée en collaboration avec l’artiste new-yorkais Cute Brute.

E.C : Qui porte Masha Maria ? Pour quelle humeur et quelles occasions avez-vous pensé vos vêtements ? Certaines de vos créations sont-elles uniquement pour hommes ou unisexes ?
O.K: Mon idée était d’avoir une marque unisexe. En réalité, le modèle court de la veste est vendu à la fois pour les hommes et les femmes. Bien sûr, en ce moment c’est le côté féminin de la marque qui prédomine, mais je vous promets que cela changera à l’avenir.
Les clients qui achètent Masha Maria recherchent du changement, sont conscients d’eux-mêmes, conscients des choix qu’ils font en matière de vêtements et ont un sens de l’humour. Je crée des vêtements d’extérieur heureux, honnêtes et artistiques. Comme je l’ai mentionné plus tôt, je veux que mes vêtements puissent être portés tous les jours, pour vous remonter le moral, pour s’exprimer.
E.C : Des sweats aux manteaux, et ce jusqu’aux écharpes, vous ne produisez qu’avec des matériaux recyclés et vous fabriquez chaque pièce à la main. Pourquoi avez-vous choisi cette manière de créer ?
O.K : J’ai moi-même été une consommatrice compulsive de la fast-fashion, jusqu’à un certain point où j’ai compris qu’en achetant une pièce qui a été produite en série par million vous arrêtez de la chérir. Nous accordons de la valeur à une chose seulement si cette dernière a été faite et pensée pour une raison bien précise, et pas uniquement pour servir une valeur marchande. Renouer avec la valeur en créant quelque chose d’unique, tel est mon objectif. Utiliser des matériaux recyclables et durables est une manière honnête et transparente pour créer quelque chose d’unique. En plus, c’est un défi : c’est tellement drôle d’utiliser une couette et de lui redonner une fonction qui diffère de sa fonction initiale. Cela permet de voir le monde d’un autre œil, plus curieux.
E.C : Avez-vous rencontré des difficultés en faisant le choix de produire vos vêtements de manière plus éthique ?
O.K : Certainement. Pour l’approvisionnement et la production. C’est toujours plus simple d’imaginer que d’exécuter. Quand j’ai commencé à chercher un atelier qui me permettrait de produire plus de pièces, c’était extrêmement difficile étant donné que toutes les compagnies de production travaillent avec un modèle — cinquante pièces de la même couleur. J’avais du mal à trouver cette personne si spéciale qui ne court pas après les chiffres. Finalement, j’ai fini par la trouver à l’atelier Els Roseboom à Amsterdam. Le propriétaire s’est montré curieux d’expérimenter la production de vêtements d’une manière différente, et je lui en suis très reconnaissante !

Séance shooting avec les modèles iconiques de Masha Maria.

E.C : D’où viennent vos matériaux (laines, etc) et comment est imaginé et fabriqué chaque vêtement ?
O.K : Tous mes manteaux sont faits à partir de véritables couettes vintage en laine que j’ai fait approvisionner toute l’année des quatres coins des Pays-Bas. À l’heure d’aujourd’hui, je sais déjà où je peux les trouver, mais tous les ans cela devient plus difficile étant donné que les pièces vintages sont uniques et ne sont produites qu’en un certain nombre d’exemplaires. Les boutons que vous voyez sur les manteaux sont aussi tous différents. Ils sont vintage et je les achète d’Espagne, d’Italie, de Grèce et de France sur Etsy.
Si je pouvais ajouter une anecdote au sujet de ma production, moi-même je ne sais pas à quoi le manteau va ressembler tant qu’il n’est pas terminé. Je ne travaille pas avec un sample/modèle pré-existant, hormis pour la coupe. Pour le coloris, je ne le connais pas à l’avance. Je visualise donc dans ma tête comment la couleur pourrait rendre tout en me focalisant sur la couverture. C’est une telle surprise pour moi que de récupérer les manteaux une fois finis à l’atelier.
E.C : Vos créations sont faites à la main, elles sont par conséquent uniques. Cependant, vous proposez différentes tailles et la possibilité de créer en plusieurs exemplaires un modèle en particulier, n’est-ce pas ? Peut-on commander une taille spécifique qui n’est pas proposée sur le site internet, ou qui est temporairement en rupture de stock ?
O.K : J’ai en tout 4 tailles pour mes manteaux — XS, S, M et L. Le modèle est oversize et taille large, ce qui permet aux clients d’être plus flexible en choisissant la taille. Auparavant j’offrais la possibilité de commander sur mesure également, mais vu la situation actuelle, ce n’est plus possible. J’espère pouvoir renouer avec cette option à l’avenir.

Journées portes ouvertes avec Olga à la boutique Masha Maria, Amsterdam.

E.C : Vous êtes basée aux Pays-Bas. Comment vos créations font-elles écho avec la culture hollandaise ? Les tons des vêtements sont-ils inspirés par une tradition hollandaise ou tout autre artiste ?
O.K : Pour tout vous dire, je ne suis pas hollandaise moi-même. Je suis une citoyenne du monde — c’est ce que certaines personnes disent de moi. Je suis à moitié russe et à moitié hongroise, j’ai vécu en Suède, en Italie, aux États-Unis, en Allemagne, et maintenant à Amsterdam. Je dirais que vous pouvez voir toutes ces influences culturelles dans mes vêtements, leurs formes et leurs couleurs. Je pense que, d’une certaine façon, je peux également représenter la culture hollandaise, étant donné que les Pays-Bas ont toujours été à la croisée des chemins grâce au commerce et à l’exploration qu’ils ont de la nature.
E.C : Vous avez collaboré avec des dessinateurs européens à la création d’une collection limitée de vestes de pluie. Comment est né ce projet ?
O.K : J’avais ce projet en tête depuis presque deux ans avant qu’il puisse être finalisé. Je peux vous dire que le fait de vivre dans une ville comme Amsterdam m’a donné l’idée de pouvoir porter des vêtements plus colorés et joyeux par temps gris et pluvieux. En fait, c’est la raison pour laquelle je travaille autant les vêtements d’extérieur : je trouve qu’ils sont sous-cotés et ne suscitent pas autant d’intérêt. Les gens font tellement attention à ce qu’ils portent sous leurs veste alors qu’en réalité vous avez cette couche supplémentaire de vêtement d’Octobre à Mars, qui en dit tellement plus sur vous.
Pour en revenir au projet des vestes de pluie, je voulais créer des vestes colorées en utilisant du PET pour en faire des vestes les plus durables possibles. En tant qu’infographiste, je sais à quel point c’est dur d’être remarqué et de travailler avec des illustrateurs différents. La meilleure façon de leur laisser carte blanche sur la veste était de faire appel à des artistes du street art. Ce projet était très dur à exécuter car l’imprimé sur ce type de matériau (un mélange de polyesters recyclés et de PET waterproof) est particulièrement difficile à réaliser. Mais je suis très satisfaite du résultat.
E.C : Ces collaborations aident vraiment à accélérer la transition vers une mode plus écologique. Considérez-vous une collaboration future avec d’autres artistes ?
O.K : Totalement. Je pense qu’à travers les collaborations nous apprenons les uns des autres. Ces échanges sont absolument nécessaires pour avancer ! J’ai déjà une liste d’artistes avec qui je prévois de travailler.
E.C : Nous voici arrivés à la rubrique libre. Voulez-vous ajouter quelque chose pour conclure ou ouvrir encore plus le dialogue ?
O.K : « Soyez vous-mêmes, car tout le monde est déjà pris. » Ce conseil d’Oscar Wilde m’inspire toujours. Les gens ne se voient que d’une seule façon, essayent d’être quelqu’un d’autre, mais en réalité, sous toutes ces couches, vous trouverez votre “moi” véritable qui est unique. Si vous voulez devenir quelqu’un, poursuivez vos rêves, n’attendez pas le moment idéal, car il n’y en a pas. Commencez aujourd’hui, à cet instant, à travailler sur qui vous voulez devenir.
Mai 2021
Retranscrit et traduit de l’anglais au français